Ski-Trek dans le Caucase

par Didier Perrot (X90)

Arhyz
Arhyz
Roissy Charles de Gaulle, 31 mars 2007, 00h50. Décollage du dernier vol de la journée, à destination de Moscou. A son bord, quelques individus équipés … de skis et autre matériel d’alpinisme. Moscou, Sherementovo 1, 9h30 : décollage de ces mêmes individus, rejoints par quelques autres, à destination de Mineralnye Vody, aéroport situé au nord du Caucase, et destination finale du voyage.

Nous sommes 9, réunis pour certains depuis 15 ans par la passion de la montagne, et du ski de randonnée en particulier. L’objectif de ce voyage est la traversée à skis de 3 vallées – Arhyz, Aksayt, Dombay - situées à l’Ouest du Caucase, dont la chaîne principale relie sur près de 1300 km la Mer Noire à la Mer Caspienne. La pratique du ski de randonnée – et de façon générale de la montagne hivernale – dans cette partie du Caucase est totalement inexistante, même s’il semble que cela n’était pas le cas avant la Perestroïka. Nous avons longuement préparé notre périple avec Alexey, guide-instructeur de haute montagne et patron de l’agence Newroute à St-Petersbourg (www.newroute.ru), qui s’occupera pour nous de la logistique et des formalités administratives. Nous évoluons en effet en zone frontalière, non loin de la Géorgie avec laquelle les relations sont actuellement tendues, et notre présence requiert un permis délivré par l’administration militaire de la région autonome du Karachay-Cherkessie.

Dans la vallée d'Aksaut
Dans la vallée d'Aksaut

En route pour le village d’Arhyz, nous nous arrêtons visiter une église du XIe siècle et observer un immense visage de Christ peint à même les rochers des falaises par les Alains à la même époque, témoignages du fait que cette vallée, offrant une route vers le Sud du Caucase et la Géorgie, est un lieu de passage depuis toujours, sans doute l’itinéraire d’une des routes de la soie.

Située à 1400m à la jonction de 3 vallées, Arhyz est un village de quelques centaines d’habitants, d’aspect très rural, n’étaient-ce une scierie, une caserne, et un « centre de vacances » - quelques bâtiments construits parmi les pins, à l’ambiance très « Shining » - qui nous servira de pied à terre dans cette vallée.

Devant le glacier du Karakaya
Devant le glacier du Karakaya.

La nouveauté de ces quelques premiers jours de montagne « à la russe » ne se situe pas tellement dans les montagnes proprement dites, belles chaînes alpines culminant vers 3200m, couvertes de forêts de sapins jusqu’à 2500m, car nous pourrions tout aussi bien nous trouver dans les Aravis ou le Beaufortain. Mais plutôt dans ses à-côtés, notamment culinaires : thé généralisé, manti (gros ravioli cuits à la vapeur), borch, plov, … et bien sûr vodka, qui possède de multiples fonctions : souder l’équipe, obtenir une bonne météo, une bonne neige, fêter la descente d’un couloir, célébrer une « première », etc. A ce propos, l’une de ces premières se situe sur l’emplacement d’une future station de ski, très virtuelle pour le moment – et notamment la « route » qui y mène ! – alors même que son inauguration est annoncée pour 2010. Si l’on vous propose dans quelques années d’aller skier dans le domaine d’Arhyz, vérifier où en est l’aménagement de la station !

En descendant du Pic Semionov
En descendant du Pic Semionov

Le voyage se poursuit dans la vallée de Dombay, sorte de Chamonix local, sensé être la « plus grande station de ski de la Russie ». Outre le paysage, tout à fait exceptionnel et justifiant son surnom, Dombay possède la particularité que les tronçons des remontées mécaniques de la station que nous visiterons en fin de séjour sont tous exploités par des compagnies différentes (société coopérative locale ayant « racheté » l’ancien téléphérique d’Etat, société à capitaux allemands en ayant construit un flambant neuf en parallèle, sociétés d’exploitation des télésièges, etc.) ; vous devez donc débourser 100 à 200 roubles à chaque fois que vous souhaitez reprendre de l’altitude, le concept de « forfait » n’existant pas !

Les montagnes avoisinantes sont ici nettement plus hautes et glaciaires que dans la vallée d’Arhyz, car nous nous sommes rapprochés de l’Elbruz (5633m), point culminant du Caucase. Nous réalisons là plusieurs belles courses, notamment l’antécime du Pic Sémionov - nommé ainsi en l’honneur du Prix Nobel de chimie Russe en 1956 -, avec une vue époustouflante sur tout l’Ouest du Caucase. Il s’agit d’après Alexey d’une première, et nous ne demandons qu’à le croire…

Stelles
Stelles

Enfin, la dernière partie de notre voyage s’effectue dans la vallée d’Aksayt, où nous pénétrons par un col glaciaire d’altitude : la seule piste y menant s’étire sur 60 km et n’est pas praticable en hiver. En plus d’être naturellement inaccessible, cette vallée a longtemps été « interdite », car s’y trouvait une mine de tungstène, qui n’a finalement jamais atteint le stade de l’exploitation. Ce fut également le lieu de combats particulièrement acharnés entre Allemands et Russes lors de la Seconde Guerre Mondiale, dont témoignent quelques stelles dans des cols. C’est dans la base géologique ayant servie à l’exploration de la mine que nous logeons. Il s’agit de quelques maisons et bungalows en bois, dont un sauna particulièrement apprécié de retour de nos courses en montagne ; il faut simplement casser chaque jour à la hache le trou d’eau rebouché par le gel, afin de pouvoir s’y rafraîchir entre 2 passages à l’étuve… La solitude est absolue, les paysages démésurés, les 5 jours que nous passons ici sont le moment fort de notre voyage.

Aussi, lorsqu’Alexey qui nous a accompagnés à l’aéroport le jour de notre départ nous tend une attestation collective des « premières » que nous avons réalisées ici, nous avons déjà le présentiment qu’elles ne resteront pas des « dernières » pour la plupart d’entre nous…





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